Guillaume Dimanche
Guillaume Dimanche, né en 1970, vit et travaille à Paris.
http://www.guillaumedimanche.fr/
Depuis la création de notre programme de résidences, nous nous attachons à porter un regard sur des questions de société. Nous observons avec effroi le dérèglement climatique à l’œuvre et un certain emballement ces trois dernières années. Très engagés dans la transition écologique, nous avons sélectionné un artiste qui s’empare de ce sujet.
En juin 2023, nous avons accueilli Guillaume Dimanche lors de la saison 1 de son projet « Filer les tangentes ». Les Modillons se trouvaient sur son tracé et nous lui avons offert l’hospitalité pendant 48 heures. Nous avons échangé sur sa démarche, son engagement et son économie de moyens. Nous avons suivi son aventure et nous soutenons son projet pour la saison 2.
La résidence permet à Guillaume de déployer son écriture, élaborer sa production et concevoir la diffusion de son projet.
Lire l’article de La Charente Libre du 4 novembre 2024
Nous avons obtenu le soutien de la DRAC Nouvelle Aquitaine pour cette résidence.
FLT,UTEs2 – Filer Les Tangentes, Un Tour d’Europe – saison 2
Le 18 juin 2023, j’ai entrepris une trace tendre, un fil à travers l’Europe en vélo, un tour d’Europe comme on le faisait il y a quelques siècles, ceux d’avant la révolution industrielle et énergétique des fossiles. Au départ du Parc Naturel de l’Albufera au sud de València, je me suis arrêté sur une fracture de clé d’épaule en tentant un passage sur la crête de Vimy, ligne de trois années de front jusqu’au printemps depuis 1914 après dix-huit-cent kilomètres roulés. Le 4 juillet 2024 j’ai repris la route des Tangentes depuis Paris pour rejoindre cette ligne des canadiens et poursuivre le fil de la performance FLT,UTE. À nouveau, plus longtemps, pendant 50 jours et 3600 kilomètres j’ai enregistré des photographies et écrit des textes chaque jour.
Notre histoire était utopique, maintenant elle est terrestre. Alors disons-le. Bruno Latour.
Rencontrer apprendre voir les lumières les senteurs les énergies les constructions les artifices les vivants. Dans une sobriété systémique à la force musculaire au souffle mesuré, je questionne, encore, la possibilité de vivre dans un temps qui augure frugalité et robustesse. Cette aventure artistique est orientée hors des bulles capitales dans l’infini des tangentes. À la recherche d’instants d’expériences de rencontres de partages d’explosions de beauté morte ou vive, d’inspirations de connexions aux énergies vivaces, au loin et au ras des autoroutes et des temples de Babel.
Je questionne le vivant contemporain en poursuite de sensations de souvenirs de traces d’exotique de pittoresque d’histoire d’étranger, qui produit et consomme en masse. Aveugle et sourd, imperméable. Trop loin du sensible.
Filer Les Tangentes est un tour fragile et léger de migration dans le vide pour rien. Pour éprouver pour observer. Complètement inutile. Pour attendre pour enregistrer pour insuffler pour habiter avec le vivant avec le monde. Pendant six semaines cinquante jours je suis nu. J’abandonne les agréments lapidaires de mon quotidien habituel. Je perds le contrôle. Je pars à l’imprévu. Comme il faut apprendre à vivre maintenant. Migrateur. Tester la robustesse. Lâcher prise dans les éléments les étendus de l’espace et de l’Histoire d’un continent. On entre dans les sens.
À bicyclette on se déplace dans un déséquilibre constant instable sur un fil. La mienne en a déjà aligné. 3600 kilomètres d’improvisation dans l’imprévu. Le monde stable est révolu. Pourtant accrochés à cet écueil nous gardons le faux espoir d’une prospérité toujours heureuse confortable grandissante et infinie. L’adaptation à l’inconstance n’existe pas. Demain et inconnu. Imprévisible. Invisible. Il faut apprendre entretenir et transmettre l’adaptabilité.
Nous sommes entrés aveuglés dans l’urgence d’un dérèglement. Il n’y a pas de raccourci à prendre nous fonçons sourds et muets le pied dans le mur sur le champignon. Sinon faire détour tisser des fils, Filer Les Tangentes.
Guillaume Dimanche.